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Il y a moyen de publier un livre papier et de le diffuser localement sans perdre d'argent. (Photo par mohamed hassan - PxHere) |
Avant de tomber dans l’auto-édition, j’ai aidé des auteurs à y échapper. Ou plutôt, je leur ai évité de se laisser prendre dans les filets de spécialistes du hold-up auto-éditorial. Au cas où vous ne sauriez pas, l’alter ego de Magnus Latro, moi-même, est journaliste, chargé de la gestion d’un modeste journal de province.
Un jour s’est présenté à mon bureau un gendarme à la retraite, féru d’écriture et qui se débrouillait plutôt mieux qu’un officier de police judiciaire en matière de rédaction. Une marque connue lui avait proposé un contrat à compte d’auteur, sans vraiment nommer la chose. Le pandore étant curieux par nature, il avait vite flairé l’arnaque.
Son histoire était simple et tenait la route. J'étais un peu révolté par les pratiques de la soi-disant maison d'édition qui lui réclamait en gros 2000 € pour imprimer 200 exemplaires et lui facturait derrière toutes les prestations du métier. Ça m'a donné envie d'aller voir comment ça se passe en vrai... De l’édition de presse à l’édition de livre, il n’y avait qu’un pas.
Un contrat d'édition vrai de vrai
J’ai vite fait mes petits calculs et il suffisait alors d’écouler dans les 250 exemplaires d’un livre, en en imprimant 700 dans une imprimerie du coin pour ne pas perdre de sous. Le thème du roman était local et donc susceptible de concerner les lecteurs de ma feuille de choux. J’ai proposé à son auteur un vrai contrat d’édition, avec à-valoir, droits d’auteurs, publicité, diffusion et tout le saint-frusquin.
Le livre est sorti. On en a assuré la promo via le journal. Et il s’est largement bien vendu. Nous avons renouvelé l’expérience avec un autre roman du même auteur. Le thème était sans doute moins fédérateur ; il s’en est moins écoulé. Mais personne n'a rien perdu.
L’année suivante, un autre auteur est venu à ma rencontre sur une foire locale pour me proposer sa production littéraire. C'était l'occasion de vérifier le modèle économique avec un nouveau protagoniste. L'expérience fut concluante.
J’ai dû cesser cette activité car elle nécessitait un travail important pour le suivi des ventes, l’animation du réseau de diffusion, la facturation et la mise en place. Il fallait aussi organiser les dédicaces, répondre à des demandes ponctuelles, sans oublier la facturation et le recouvrement.
Éditeur, c’est un métier
L'édition, c'est un métier complexe, comme le détaille très bien Coralie Raphaël sur son blog, dans un récent article qui invite à bien se renseigner avant de s'engager...
Relire le manuscrit, le corriger, le mettre en page et faire imprimer le livre ne constituent pas le gros du travail. Les auteurs savent bien pourtant à quel point il s'agit d'un dur labeur... Il faut aussi le mettre en dépôt dans les librairies, non sans avoir négocié le taux de remise qui sera la rémunération du commerçant ; qui gagne toujours plus sur un bouquin que son auteur ; mais sans qui le livre ne constituerait plus qu’un sujet d’archéologie…
Et n’oubliez pas la promo ! Facile quand on est un journal, me direz-vous. Pas faux, mais ça ne suffit pas. Il faut penser à s’appuyer sur les confrères journalistes des autres médias, et donc leur adresser les services de presse, goupiller les rendez-vous pour les interviews de l’auteur et recenser les chroniques pour appuyer la vente.
" La promotion demeure la clé du succès d’un livre. C’est l’arme fatale. Elle permet de vendre même du très médiocre... "
Enfin c'est ce que j'ai pu constater... Mais succès de librairie ne veut pas dire pour autant fortune littéraire.
Plus de 40% du chiffre d’affaire de la vente d’un livre est absorbé par la diffusion : les remises aux libraires plus la part de l’entreprise qui assure la distribution. Ce n’est pas rien. Sur un petit tirage, inférieur à 1000 exemplaires, avec un imprimeur pas trop gourmand, le second poste sera l’impression, modeste, finalement. L’éditeur pourra espérer récolter autant, si tout va bien.
Un petit billet pour l'auteur
Et l’auteur, lui, touchera un peu moins, un petit billet de 1000€, tout au plus ; toujours mieux que de se faire assassiner par un pseudo-éditeur qui ne fera pas le job et se fera payer pour le confier au client-auteur.
Dans les trois cas évoqués plus haut, j'ai pu réduire les frais de diffusion en m'appuyant sur la logistique du journal et son réseau de points de vente et ainsi réduire à 25% la part de ce poste, non sans mal, car les libraires consentent rarement à baisser leur taux de commission sous les 30%. C'est ce qui m'a permis de donner un chouïa plus qu'une obole aux auteurs.
Pour boucler mon affaire, au bout de 3 ans, je me suis débarrassé des stocks de livres en les vendant aux auteurs à prix symbolique (moins de 100€), histoire de tout sortir de la compta, libre à eux de les écouler désormais comme bon leur semble sur les marchés, dans des dédicaces, des foires aux livres. Je peux vous assurer qu'ils sont heureux.
E-book ou livre imprimé ?
Eux sont heureux, parce qu'il s'agit de retraités, qui avaient des histoires à raconter et souhaitaient rencontrer un public de proximité. Ils ne visaient pas une audience nationale, ni le Goncourt. C'est le cas de très nombreux auteurs. Pour ceux-là, le modèle dont il a été question ici mérite d'être envisagé. Et il serait souhaitable que des opérateurs se positionnent pour couper court aux pratiques de certains vendeurs de rêve qui ne sont pas des éditeurs.
Mais pour mieux comprendre à quel point les petits éditeurs - qu'il ne faut pas confondre avec leurs faussaires - sont soumis à la pression du réseau de diffusion, je vous recommande cet article de 2013 sur Actualitté, qui est toujours actuel, à peu de choses près. Pour un coût prohibitif, certains diffuseurs ne diffusent même pas les livres qui leur sont confiés.
A la lueur de cette expérience et à celle de ce que je vis aujourd'hui comme auteur auto-édité en numérique, le e-book ressemble fort à une solution alternative intéressante... Et ce n'est pas Jacques Vandroux qui me contredira.