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mardi 19 mai 2020

Le jour où j’ai cru que j’allais trouver un éditeur

Décider de publier son travail, c'est commencer par le relire, le corriger, le ré-écrire et consommer des tonnes de papier. (photo : CC Drew Coffman)

Si votre cousin vous raconte un jour qu’il écrit des romans, comme ça, pour le plaisir, mais que jamais il n’a songé à les publier, ne le croyez pas. Ne l’encouragez pas non plus. Nous sommes bien trop nombreux. 

Je n’ai jamais cessé d’avoir en parallèle de mon métier une activité de production romanesque et d’écriture d’invention. Ça venait comme ça. Il fallait que ça sorte. Une fois couché par écrit, ce n'était pas assez bon et je refermais la parenthèse. Tous ces embryons de romans, je les ai chacun imaginés reliés dans de belles couvertures, au moins un instant, jusqu'à ce que retombe la fièvre. La plupart a fini dans les limbes des récits inconçus pas même avortés, juste rêvés. Il en subsiste pourtant.

J’ai ainsi de côté au moins trois romans inaboutis dans mes archives. Du premier, j'ai même oublié jusqu'à l’histoire ; il est resté dans un vieux mac qui ne démarre plus – qu’il repose en paix. Un autre serait presque achevé, si je ne le trouvais à réécrire. Un dernier, enfin, débuté voici peu, me semble prendre bonne tournure ; merci le confinement. 

Objectif publication


Ma décision d’achever la fabrique des bâtards est venue d’un besoin impérieux de partager ce récit. C’était quelque chose de fort, d’inexplicable aussi. Le printemps pointait son nez entre deux averses. J’ai apporté la touche finale au roman et j’ai entrepris de le relire, de le corriger, de le re-relire, de le re-corriger, puis de le relire et encore et encore ; un travail de moine, épuisant, qu’il faut sans cesse recommencer. 

Mi-septembre le tapuscrit ressemblait à quelque chose de fini. Encore une relecture et de nouvelles corrections, puis la sortie des exemplaires. J’avais sur ma table trois piles de feuilles imprimées selon les desiderata du monde de l’édition : recto seul, corps 12, marge conséquente ; autant dire une ramette et demie de papier A4 80g…
 
Allez relier ça ! Je n’arrivais déjà pas à aligner les feuilles convenablement. 

Même l’employé de la papeterie s’est arraché les cheveux. Des thèses de 100 pages, il avait fait, mais des manuscrits de 280 feuillets, il ne savait pas en venir à bout. Au bout de 6 volumes, j’ai choisi de trouver une alternative à la coûteuse solution. C’est ainsi que je suis passé expert ès reliure en dos carré collé, une expérience que je vous partagerais volontiers si vous me le demandez.

Les 25 premiers exemplaires


J’ai ainsi fabriqué, de mes mains, une bonne vingtaine d’exemplaires de manuscrits de mon roman. 25 fois 280 feuillets font 7000 feuilles, soit 14 ramettes… Un investissement, qu’il a fallu envoyer par la poste, à près de 7€ le courrier suivi… A ce prix, j’ai renoncé à l’option retour des épreuves. 



Je les ai posté deux par deux, ou par trois ; pas tous ensembles. C'est que ça prend du temps la reliure artisanale et il y a eu des ratés. A chaque envoi, au moment de glisser la grosse enveloppe en papier kraft dans la boîte jaune, le même pincement au cœur, le sentiment de lâcher une bouteille à la mer, de prendre le large, de se livrer nu comme Job et l'attente.

Sur les 25 éditeurs destinataires de mon chef d’œuvre, une vingtaine a répondu, dans des délais plus ou moins longs, de 3 semaines à 6 mois. Tous sont passés à côté du best-seller. 

Je n’ai pas attendu tous ces retours pour m'interroger au sujet d'une version numérique. Je l’avais envisagée, en particulier après mes expériences de micro-édition locale, mais j’avais survolé le sujet. En dépit des très nombreux partages d’expérience qui existent, il est très difficile de comprendre comment fonctionne cet univers. Je le découvre pas à pas.

Une fois le livre chargé sur les plateformes, le plus dur reste à faire : le faire connaître et le vendre. Car, contrairement à ce que raconte votre cousin, un roman, c’est fait pour être lu.

jeudi 14 mai 2020

L’édition à petit tirage papier sans perdre d’argent, c’est possible mais...


Il y a moyen de publier un livre papier et de le diffuser localement sans perdre d'argent. (Photo par mohamed hassan - PxHere)

Avant de tomber dans l’auto-édition, j’ai aidé des auteurs à y échapper. Ou plutôt, je leur ai évité de se laisser prendre dans les filets de spécialistes du hold-up auto-éditorial. Au cas où vous ne sauriez pas, l’alter ego de Magnus Latro, moi-même, est journaliste, chargé de la gestion d’un modeste journal de province.

Un jour s’est présenté à mon bureau un gendarme à la retraite, féru d’écriture et qui se débrouillait plutôt mieux qu’un officier de police judiciaire en matière de rédaction. Une marque connue lui avait proposé un contrat à compte d’auteur, sans vraiment nommer la chose. Le pandore étant curieux par nature, il avait vite flairé l’arnaque.

Son histoire était simple et tenait la route. J'étais un peu révolté par les pratiques de la soi-disant maison d'édition qui lui réclamait en gros 2000 € pour imprimer 200 exemplaires et lui facturait derrière toutes les prestations du métier. Ça m'a donné envie d'aller voir comment ça se passe en vrai... De l’édition de presse à l’édition de livre, il n’y avait qu’un pas. 

Un contrat d'édition vrai de vrai


J’ai vite fait mes petits calculs et il suffisait alors d’écouler dans les 250 exemplaires d’un livre, en en imprimant 700 dans une imprimerie du coin pour ne pas perdre de sous. Le thème du roman était local et donc susceptible de concerner les lecteurs de ma feuille de choux. J’ai proposé à son auteur un vrai contrat d’édition, avec à-valoir, droits d’auteurs, publicité, diffusion et tout le saint-frusquin. 



Le livre est sorti. On en a assuré la promo via le journal. Et il s’est largement bien vendu. Nous avons renouvelé l’expérience avec un autre roman du même auteur. Le thème était sans doute moins fédérateur ; il s’en est moins écoulé. Mais personne n'a rien perdu. 

L’année suivante, un autre auteur est venu à ma rencontre sur une foire locale pour me proposer sa production littéraire. C'était l'occasion de vérifier le modèle économique avec un nouveau protagoniste. L'expérience fut concluante. 

J’ai dû cesser cette activité car elle nécessitait un travail important pour le suivi des ventes, l’animation du réseau de diffusion, la facturation et la mise en place. Il fallait aussi organiser les dédicaces, répondre à des demandes ponctuelles, sans oublier la facturation et le recouvrement. 

Éditeur, c’est un métier 


L'édition, c'est un métier complexe, comme le détaille très bien Coralie Raphaël sur son blog, dans un récent article qui invite à bien se renseigner avant de s'engager...

Relire le manuscrit, le corriger, le mettre en page et faire imprimer le livre ne constituent pas le gros du travail. Les auteurs savent bien pourtant à quel point il s'agit d'un dur labeur... Il faut aussi le mettre en dépôt dans les librairies, non sans avoir négocié le taux de remise qui sera la rémunération du commerçant ; qui gagne toujours plus sur un bouquin que son auteur ; mais sans qui le livre ne constituerait plus qu’un sujet d’archéologie…

Et n’oubliez pas la promo ! Facile quand on est un journal, me direz-vous. Pas faux, mais ça ne suffit pas. Il faut penser à s’appuyer sur les confrères journalistes des autres médias, et donc leur adresser les services de presse, goupiller les rendez-vous pour les interviews de l’auteur et recenser les chroniques pour appuyer la vente. 

" La promotion demeure la clé du succès d’un livre. C’est l’arme fatale. Elle permet de vendre même du très médiocre... "
Enfin c'est ce que j'ai pu constater... Mais succès de librairie ne veut pas dire pour autant fortune littéraire. 

Plus de 40% du chiffre d’affaire de la vente d’un livre est absorbé par la diffusion : les remises aux libraires plus la part de l’entreprise qui assure la distribution. Ce n’est pas rien. Sur un petit tirage, inférieur à 1000 exemplaires, avec un imprimeur pas trop gourmand, le second poste sera l’impression, modeste, finalement. L’éditeur pourra espérer récolter autant, si tout va bien. 

Un petit billet pour l'auteur


Et l’auteur, lui, touchera un peu moins, un petit billet de 1000€, tout au plus ; toujours mieux que de se faire assassiner par un pseudo-éditeur qui ne fera pas le job et se fera payer pour le confier au client-auteur.

Dans les trois cas évoqués plus haut, j'ai pu réduire les frais de diffusion en m'appuyant sur la logistique du journal et son réseau de points de vente et ainsi réduire à 25% la part de ce poste, non sans mal, car les libraires consentent rarement à baisser leur taux de commission sous les 30%. C'est ce qui m'a permis de donner un chouïa plus qu'une obole aux auteurs. 

Pour boucler mon affaire, au bout de 3 ans, je me suis débarrassé des stocks de livres en les vendant aux auteurs à prix symbolique (moins de 100€), histoire de tout sortir de la compta, libre à eux de les écouler désormais comme bon leur semble sur les marchés, dans des dédicaces, des foires aux livres. Je peux vous assurer qu'ils sont heureux.

E-book ou livre imprimé ?


Eux sont heureux, parce qu'il s'agit de retraités, qui avaient des histoires à raconter et souhaitaient rencontrer un public de proximité. Ils ne visaient pas une audience nationale, ni le Goncourt. C'est le cas de très nombreux auteurs. Pour ceux-là, le modèle dont il a été question ici mérite d'être envisagé. Et il serait souhaitable que des opérateurs se positionnent pour couper court aux pratiques de certains vendeurs de rêve qui ne sont pas des éditeurs.

Mais pour mieux comprendre à quel point les petits éditeurs - qu'il ne faut pas confondre avec leurs faussaires - sont soumis à la pression du réseau de diffusion, je vous recommande cet article de 2013 sur Actualitté, qui est toujours actuel, à peu de choses près. Pour un coût prohibitif, certains diffuseurs ne diffusent même pas les livres qui leur sont confiés.

A la lueur de cette expérience et à celle de ce que je vis aujourd'hui comme auteur auto-édité en numérique, le e-book ressemble fort à une solution alternative intéressante... Et ce n'est pas Jacques Vandroux qui me contredira. 

Magnus Latro



mardi 12 mai 2020

Auteur auto-édité cherche critique : histoire vraie de la chronique perdue

Assurer la promo de son livre auto-édité, c'est un peu le stress.

Je consulte mes mails : une chronique vient de tomber. Une bonne fée s’est penchée sur mon roman auto-édité. A moins que … Fébrile, je lis la critique. Ouf ! Elle a aimé, ou presque. Elle n'a pas détesté. Tout va bien. 

Où va-t-elle la publier ? Est-ce que ça va avoir un impact sur les ventes ? Il me faudrait un avis sur Amazon. Bon, Babelio, c’est déjà bien. Et son blog a l’air d’être visité… C’est quand même sur Amazon que ça paye le mieux ; à ce qu’il paraît.

Le lendemain, un œil sur la jauge : elle n’a pas même frémi, le nombre de ventes n’a pas bougé d’un iota. Déception. 

Mais que dit-on sur Instagram ? Ah ! J’ai eu un j’aime sur un post. Rien d’autre ? Pas de fan en plus. Il faut que je pense à être plus régulier. Mais quoi mettre ? Ils doivent en avoir marre de mon bouquin sous tous les angles, de mes extraits, de mes montages foireux. 

Et Facebook ! Comment se fait-il que ma communauté ne croisse pas plus que ça. Pas un j’aime, pas le moindre commentaire. De nouveaux fans peut-être ? Autant ne pas se leurrer… Si ça se trouve, il n’y a plus que moi qui ait accès à cette satanée page.



Bon, ce n’est pas grave, normalement, selon mon calendrier sur Simplement Pro j’ai deux chroniques qui doivent tomber avant la fin du mois. Elles sont sympas ces chroniqueuses.. Mais pourvu que je ne me fasse pas éreinter…

J’ignore si ce chemin de désillusions mène quelque part. À en croire les gourous du E-book et de l’auto-édition, au premier rang desquels Jacques Vandroux, au bout de la route se situe parfois un nirvana éditorial, le succès, la reconnaissance, pour peu que le talent ait été là au départ. Mais le talent est-il là ? 

Ils ont raison sur un point, bookstagrammeurs, booktubeurs, blogueurs littéraires, auteurs auto-édités, twittos et autres constituent une communauté aidante et bienveillante. On croise au détour des réseaux de belles personnes, prêtes à partager leurs expériences, à donner un coup de pouce, comme sur le groupe Les mille et une pages de L&M, ou Auteur cherchent Avis Chroniques ou beta lectures et bien d’autres. 

A distinguer des coupe-jarrets et  détrousseurs à l’affût des auteurs en quête du graal : l’impression papier et la diffusion par un éditeur. Un sujet sur lequel j’ai d’ores et déjà recueilli pas mal d’éléments et qui fera l’objet d’un billet.